Vous nous apercevez souvent, filant le long des pistes cyclables de Grenoble sur notre vélo cargo de compétition. Mais où donc allons-nous, casque et sourire au vent ? Allez, on vous emmène en tournée de livraison, celle des mystérieux délices du B2B, ou « Business to business ».
Tous les chemins mènent à Rome… ou presque
Mardi – 14 h – fournil du Pain des Cairns – scène collective de façonnage du TTL – discussion d’itinéraire
Célia : Après Porte de France, tu files tout droit vers Saint-Égrève. L’épicerie est après le parc.
Mariette : Le « tout droit », faut faire gaffe, la première fois j’ai commencé à grimper vers les hauteurs de Saint-Martin-Le-Vinoux, c’était mal parti !
Gabrielle : Faut pas rater le moment où tu files vers la gauche, au rond point.
Mariette : Et au retour, vous prenez le petit pont méga étroit le long de l’Isère ? J’ai voulu m’y engager l’autre fois, il y a peine la largeur du vélo !
Gabrielle : Laisse tomber, c’est suicidaire.
Ambre : Moi je passe toujours par le pont d’Oxford, ça file, c’est évident. A l’aller et au retour. 20 minutes max par trajet, que de la piste cyclable.
Marine : Attention ! Il ferme pour travaux courant mai !
Tom : Le pont d’Oxford, c’est vraiment le mieux.
Célia : Tu es déjà allé livrer à l’épicerie toi ?
Tom : L’épicerie ? Ben non, pourquoi ?
Vous l’avez compris, le B2B occupe une bonne partie de notre vie et de nos conversations au fournil. Il peut même changer celle de certain.es comme Thomas, revenu boueux et épuisé de sa première tournée à la fameuse épicerie de notre dialogue. Égaré, embourbé, il avait erré dans les taillis du bord de l’Isère et finalement avait déchargé le coffre du vélo pour pouvoir remonter vers une piste hospitalière et sauver sa peau de jeune apprenti fougueux ! L’aventure avait duré un bon bout de temps. Nous commencions sérieusement à nous inquiéter, et à son retour nous n’avons pas pu faire grande-chose de lui.
La petite fée qui s’occupe des professionnels
Le B2B s’est fait une place conséquente dans notre production et nos ventes depuis quelques années. En 2022, nous avons donc naturellement décidé de créer un rôle gérant ce domaine d’action, suivi en septembre 2023 de l’achat d’un vélo cargo pour livrer à travers la ville et ses environs. Actuellement occupé par Marine, le rôle B2B communique avec les pros que nous livrons, communique auprès de l’équipe sur les commandes et les attentes journalières. En bref, elle fait en sorte qu’il y ait le plus de fluidité possible entre ces entreprises qui nous font confiance et notre équipe de 14 boulanger.es- vendeur.ses.
En communication interne, nous avons l’application Slack et un canal dédié à ce domaine. Marine nous transmet tout, du quotidien des commandes aux informations de dernières minutes. Nous avons aussi notre traditionnel carnet de commandes où elles sont notées à nouveau afin que rien ne nous échappe. Bref, tout est anticipé au mieux d’une semaine sur l’autre. Avec des ajustements possible la veille, parce que personne n’est à l’abri des imprévus. La qualité des produits nous importe autant que les pros, et l’engagement mutuel est un aspect primordial dans nos relations.
Welcome to B2B !
En plus de notre chère clientèle qui nous fait l’honneur d’apprécier notre pain quotidien, nous fournissons pas moins de 19 pros ! Qu’ils commandent 160 kg de pain par semaine ou seulement quelques kilos, notre regard sur eux est le même : on les aime et on veut les bichonner ! En gros,
On ne lâche rien sur la qualité du pain et du service
envers ces entreprises qui nous font confiance.
Grâce et en raison du développement de cette partie de l’activité du Pain des Cairns, nous avons embauché une nouvelle personne en 2023. Au moment même où nous investissions dans le vélo cargo de livraison. Puis une autre plus récemment. Cela peut faire peur car nous sommes toujours dans un équilibre fragile, dépendant de l’économie d’autres commerces ou associations. Mais c’est le jeu, et nous aimons jouer !
Qui se cache derrière le 2e B ?
Au fait, qui sont ces entreprises avec qui nous faisons un joyeux bout de chemin ? Il y a les historiques, locaux pour la plupart, tels que Le Ptit Labo, Le Commun des mortels, la Tanière, le Harvest ou L’Assiette Bavarde. Il y avait Jeanette chez qui nous avons fait des soirées mémorables, mais qui a fermé sa porte [tristesse] pour d’autres horizons culinaires. Pour eux, nos voisins bien aimés, nous avons un petit placard sous l’une des caisses. Cette trappe secrète permet à Lorenz, Anto ou Quentin de venir chercher directement le pain prêt et tranché dans un sac à farine sans faire la queue. Il y a aussi ceux et celles qui sont un peu plus loin et qu’on adore aller livrer : la SCOP du Bar Radis bien sûr, le supermarché participatif l’Elefan, le resto du Ciel Rooftop ou l’épicerie Au pré de chez nous.
Ces structures sont plus importantes, et c’est pour elles que nous sortons le vélo du mardi au vendredi. Pourquoi travaille-t-on ensemble ? Probablement pour de nombreuses raisons de leur part, qui vont de la qualité de notre pain au fait que nous sommes une SCOP qui a une exigence de tous les jours sur son collectif. Une SCOP qui ose, aime expérimenter et s’engage. Certains nous ont explicitement démarché pour ces raisons, et l’image forte que nous représentons leur apporte en retour de la clientèle. Tant mieux ! C’est cela aussi qui nous plait lorsque nous livrons une épicerie, une association ou un restaurant qui privilégie de ne vendre que des produits sains. C’est cela qui nous fait vibrer quand nous apportons nos pains à un bar lui aussi en SCOP, qui est engagé dans la vie culturelle et politique par les choix de gouvernance qu’il fait. Nous commerçons ensemble bien sûr, mais surtout
Ensemble, nous construisons un monde nouveau
celui que l’on veut imaginer et faire vivre
sans attendre que cela vienne d’en haut.
De la livraison sur mesure
La plupart de nos pros nous prennent du pain de campagne, souvent tranché, pour accompagner les apéros ou les repas qu’ils servent tous les jours. Mais certains nous commandent tout un panel allant du pain aux noix à la brioche, afin de revendre le maximum de variétés possible derrière leur comptoir. La particularité d’autres livraisons est liée à la conservation du pain une fois livré. C’est le cas du Ciel Rooftop à qui nous livrons du pain précuit. Ce pain, cuit durant 40 minutes entre 235 et 220°C est tout de suite congelé une fois dans les locaux du pro. Il est ensuite sorti au compte-goutte selon les besoins et repasse au four durant 20-30 minutes à 220°C pour finir sa cuisson. Il arrive ainsi tiède et croustillant sur la table des clients ! Outre le côté extrêmement pratique pour le restaurateur qui peut ajuster la quantité de pain en fonction du nombre de clients, cette méthode permet de gagner en qualité et en saveur. Ce qui aurait été plus difficile sur un pain cuit jusqu’au bout, congelé puis décongelé quelques jours plus tard.
Hors les murs
Après la production, la livraison ! Pour cela, nous nous adaptons au mieux aux horaires désirés et aux jours. Cela n’est pas toujours une mince affaire quand les demandes se télescopent sur l’agenda ou que nous faisons une réunion de gouvernance le jour où les pros ont besoin de pain. Nous trouvons toujours un arrangement, certainement lié au fait qu’ils sont tous ultra chouettes ! Tous les après-midis, qu’il vente ou qu’il neige, c’est donc un.e BV qui enfourche notre vaillant vélo cargo pour faire une tournée à travers la ville.
Si certains itinéraires sont aléatoires (vous l’aurez compris, celui de l’épicerie Au pré de chez nous est multiple et souvent rocambolesque !), d’autres appartiennent à la catégorie des sportifs ! Monter au Ciel Rooftop n’est pas une mince affaire quand on attaque la minuscule route serpentant à 10 % vers les hauteurs du quartier Saint Laurent. L’aventure ne finit pas pour autant sur le parking, il faut ensuite monter tous les sacs en ascenseur, les porter jusqu’en chambre froide au bout du couloir, avant de pouvoir profiter de la vue incroyable depuis la salle principale du restaurant ! Gare à celui ou celle qui croise une voiture dans sa montée : l’arrêt marque la fin de la partie, il n’y a plus qu’à attendre le piéton qui vous sauvera en vous aidant à pousser le tout pour repartir ! Car oui, notre cargaison avoisine quand même les 60 kg !
On n’a pas des vies faciles
D’autres itinéraires sont des promenades de santé, ce qui permet un bon équilibre sur la semaine et des BV toujours motivé.es. Se rendre au Bar Radis par exemple, n’est que du bonheur ! Surtout quand on arrive sur cette grande terrasse ombragée au 9e étage, et qu’on est accueilli.e par un grand sourire et « tu veux un café ? ». On ne rêve que d’une chose, s’installer là quelques minutes, mais l’heure tourne toujours trop vite et au fournil le reste de l’équipe nous attend.
Que ce soit l’aventure ou la balade tranquille
la livraison est toujours un moment que nous aimons.
C’est un temps hors du fournil pour aller à la rencontre de gens que nous apprécions et leur apporter le pain que nous sommes fiers de produire ! C’est aussi simple que cela finalement !
Une petite routine bien sympathique
Le pain des pros, au Pain des Cairns, est donc directement intégré à la production du jour. Selon l’heure de livraison souhaitée, on le fera plutôt sur le premier pétrin de la journée à 7h30. Il pourra ainsi cuire vers midi et refroidir en début d’après-midi, avant d’être mis en sac et enfermé dans le coffre du vélo cargo. Le P1 comprend donc régulièrement une soixantaine de kilos de pain pour les pros, en moulés, miches et/ou en précuisson. Ces pains sont stockés directement sur une échelle à part à la sortie du four. Vers 14h, un.e BV pèse les pains, imprime le Bon à Livrer et entrepose de manière explicite l’ensemble des livraisons afin que cela soit chargé ensuite au plus rapide. Souvent, c’est une cession de tétris qui demande beaucoup de créativité pour optimiser la place de la part de la livreuse ou du livreur du jour. Dans le grand coffre, les pains et les brioches sont savamment ordonnés et recouverts pour ne pas être abimés durant le trajet. En général, il est tellement rempli que cela passe au millimètre !
Et enfin, c’est le rôle administratif qui s’occupera des paiements en fin de mois. Même si nous avons connu quelques quiproquos ou erreurs dans les prises de commandes ou livraisons, notre système est sacrément bien rôdé. Et il le sera encore plus quand on passera en mode logiciel de commande en direct. Un prochain petit pas dont rêve notre adorable et dévouée rôle B2B actuelle !